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Interventions de l'UE en Afrique - quelle légimité ?

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La Méditerranée, le nouveau « cimetière marin » ? Face à l’ampleur du drame migrant qui s’y joue, l’expression de Paul Valéry revêt une réalité concrète. L’Union européenne a en effet décidé le 22 juin 2015 de lancer l’opération Eunavfor Med, une intervention militaire en Libye afin de lutter contre les réseaux de passeurs. Mais possède-t-elle la légitimé d’intervenir sur un autre continent, plus particulièrement l’Afrique ?

Des liens noués au fil du temps

Ce n’est pas la première fois que l’Union européenne (UE) décide d’intervenir sur le continent africain. Il faut dire que les relations qui unissent l’Afrique à l’UE sont nombreuses et diverses. Premièrement la coopération et les accords: la convention de Lomé signée en 1975 pour cinq ans entre l’Union européenne et les pays ACP (pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) est l’un des premiers actes qui relie l’Afrique à l’Union européenne. Renouvelés par quatre fois (Lomé IV bis est signé en 1994-1995 pour dix ans), ces accords reposent sur le principe du partenariat, de la nature contractuelle des relations et combinent différents éléments relevant de l'aide, du commerce et de l'action politique. Les accords de Cotonou en 2000 viennent renforcer le lien de coopération entre l’UE et l’Afrique tout comme la stratégie conjointe UE-Afrique adoptée en 2007 durant le sommet de Lisbonne. Il existe également d’autres accords bilatéraux entre pays de l’UE et pays d’Afrique.

Deuxièmement, l’Histoire et notamment le passé colonial. Au XIXe siècle, un grand nombre de pays de l’Union européenne possédaient des terres coloniales en Afrique, partagées lors de la fameuse conférence de Berlin (1884-1885). Troisièmement, l’UE prône le respect des droits de l’Homme, la démocratie, légitime l’Etat-nation et se veut garante de la paix. De par son rôle, elle a été récompensée du prix Nobel de la paix en 2012 et constitue un élément important de l’équilibre international.

La réalisation des interventions

Ces relations profondes incitent à l’intervention sur le continent africain. Seulement, l’Union européenne est très loin d’intervenir unilatéralement en Afrique. Les Etats membres qui la composent, en vertu des raisons évoquées auparavant, peuvent tout aussi bien prendre l’initiative seuls. C’est le cas de la France qui comptabilise plus de 50 interventions militaires en plus d’un demi-siècle dans des États souverains africains pour honorer ses accords bilatéraux avec ses anciennes colonies. Cela ne l’a pas empêchée d’étendre son champ d’action à d’autres pays anciennement colonisés par la Belgique ou le Portugal (intervention militaire et civile française en Guinée pour lutter contre le virus Ebola en 2014).

Par ailleurs, sous mandat de l’ONU ou en collaboration avec l’OTAN (organisation du traité de l’Atlantique Nord), l’Union européenne possède davantage de moyens pour intervenir. Rappelons que si le débat d’une armée européenne reste virulent – le président de la Commission Jean-Claude Juncker y est favorable – l’Union européenne ne possède pas de forces militaires. C’est par l’intermédiaire des « casques bleus » de l’ONU ou des forces armées de l’OTAN que l’Union européenne est en mesure d’agir en Afrique.  L’OTAN mène ses actions au nom de l’article 5 du traité de Washington élaboré en 1949 et peut recourir à « l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité » dans le cas d’une attaque survenant contre l’une ou plusieurs des Etats-parties au traité. 

La gestion d’une crise : la piraterie maritime en Somalie

A titre d’exemple, l’Union européenne et l’OTAN sont intervenues conjointement dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie  afin de déjouer et dissuader les actes de pirateries. La chute du dictateur Siad Barre, le 26 janvier 1991, a favorisé l’explosion d’une piraterie au large des côtes somaliennes depuis 2005, menaçant l’une des principales routes maritimes de la planète où passent 30 000 bateaux par an, notamment des navires du Programme alimentaire mondial –qui apportent une aide alimentaire à 1,5 million de Somaliens. Sous résolution de l’ONU et en accord avec le droit international, l’Union européenne a entrepris de déployer dès l’été 2008 l’opération militaire "European Union Naval Force ATALANTA" (EU NAVFOR) pour lutter contre les actes de pirateries et sécuriser les routes maritimes. Actuellement, neuf Etats-membres apportent une contribution permanente de moyens militaires : les Pays-Bas, l'Espagne, l'Allemagne, la France, la Grèce, l'Italie, la Suède, la Belgique et le Luxembourg. En 2012, malgré l’opposition britannique à l’extension du mandat d’Atalanta, l’opération se prolonge et s’étend jusqu’aux Seychelles.

En étroite collaboration avec l’UE et à la demande de l’ONU, l’OTAN a entrepris l’opération Allied Provider en 2008 dans l'objectif d’escorter les navires affrétés par le Programme alimentaire mondial, puis de sécuriser la navigation pour tous les navires transitant dans ces eaux. En août 2009, elle a été relayée avec succès par l’opération Ocean Shield qui est maintenue jusqu’à la fin 2016.

Des interventions empreintes d’un néo-colonialisme ?

Bien que certaines opérations soient efficaces (l’intervention française au Mali ou les opérations Atalanta et Ocean Shield), l’intervention européenne – voire occidentale par extension – dérange et fait débat. C’est le cas de Robert Mugabe, le nouveau président à la tête de l’Union africaine –collectif de pays qui œuvrent pour l’unité africaine – qui dénonce la mainmise des pays colonisateurs sur l’Afrique et le néo-colonialisme des puissances européennes et occidentales. Les différentes interventions seraient donc un moyen de pression des nouveaux « colonisateurs » car comme le disait Jules Ferry « rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, […] c’est abdiquer, […]  c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième ».

Le débat demeure complexe et soulève la question de la légitimité des interventions européennes sur le continent africain. Néanmoins, il est important de souligner que pour un certain nombre de ces interventions – comme l’exemple du Mali ou un pays non africain tel que l’Irak – l’intervention française ou européenne est liée à une demande officielle des autorités légitimes du pays et se déroule dans un cadre juridique légal…bien loin du discours populiste porté par un Mugabe ré-élu avec des irrégularités constatées. Par ailleurs, le développement du terrorisme (Al-Quaïda au Maghreb Islamique ou AQMI, l’Etat Islamique, Boko Haram etc…) sur le continent africain menace non seulement les pays africains, mais également tous les autres pays. Afin de lutter contre ce danger croissant, les autorités nationales, européennes et internationales n’hésitent pas à s’attaquer à la source du problème, majoritairement à l’aide d’interventions militaires, pour endiguer ce fléau qui prolifère en Afrique : les conditions y sont propices de par la faiblesse et vulnérabilité des pays africains. A titre d’exemple, la Commission européenne alloue à l’heure actuelle 40% de l’aide publique afin de permettre le développement des pays et une meilleure intégration dans le système mondial.

Les interventions européennes en Afrique sont diverses, anciennes et empreintes de l’idée d’un assujettissement colonial, bien qu’elles soient actuellement surtout liées à la lutte générale contre le terrorisme (cf. les attentats au Kenya, Nigéria...). La légitimité des interventions européennes sur le continent africain demeure une question complexe et insidieuse bien qu’elles se fassent au nom de la paix, de l’équilibre mondial et qu’elles soient régies par des demandes officielles de gouvernements légitimes (tel était le cas du Mali qui avait besoin d’aide extérieure afin de lutter contre AQMI). Quant aux propos de certains détracteurs de ces interventions, comme le nouveau président Robert Mugabe, il est bon de rappeler que ce dernier est accusé d’avoir conduit son pays –le Zimbabwe –dans la ruine et de réprimer violemment l’opposition.

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Sur Nouvelle Europe :

Sur internet :

Crédit Image : Somali Pirate Hunter, 2001 on flickr

Hélène Mangold

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